« Notre train était en retard de quatre heures, et une personne militaire qui travaille en communication à Mariupol appelle mon coéquipier. Lui aussi était supposé prendre le train. Son téléphone, moi je suis assis devant lui, je suis prêt à prendre le train, et on reçoit l'appel, 30 minutes avant. Et la personne dit : n'y va pas. Parce que les trains se font mitrailler. Vous allez mourir. »
« Mon coéquipier raccroche et me dit : "Je ne veux pas mourir, je ne vais pas y aller. Mais toi vas-y. Tu peux y aller." On avait une chance sur deux. Et c'est là que j'ai appelé mon père pour me rassurer. J'appelle mon père et c'était une décision quitte ou double : je reste ou je pars. J'appelle mon père, je lui explique la situation et c'était la première fois que j'entendais mon père... cinq secondes de soupir et d'attente. »
« Mon père c'est un protecteur. Nos pères c'est les personnes qui nous rassurent. Surtout un père qui vient de l'union soviétique, un père fort. Et pendant cinq secondes je n'ai rien entendu. Et il y a eu un soupir... »
« Les cinq secondes ont passé. C'était les cinq secondes les plus longues de ma vie. Mais il s'est repris et m'a dit si Dieu le veut, le train va venir. Même s'il se fait mitrailler, même s'il est en retard. Si Dieu le veut c'est parce qu'il veut que tu rentres dans ce train et que tu te rendes là où l'ambassade t'attend. »
« Dans le train, je me sentais dans la Deuxième guerre mondiale. C'était tout noir, on n'avait pas le droit d'ouvrir les lumières, on ne pouvait rien faire. On passait par trois villes où c'était des bombardements constamment. C'était dans la nuit, là où il y a le plus d'attaques des deux côtés. Je ne faisais rien, je ne bougeais pas, je tremblais. Je ne pouvais pas dormir parce que tu ne sais pas si tu vas te réveiller. »
« Arrivé, tout le monde est rentré sans billet, c'était une jungle. Ce qu'on voit dans les films, je n'ai jamais pu croire que ça pouvait arriver en réalité. »